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« Sois juge... et tais-toi ? » : retours de la projection-débat

Mis à jour le 27 avril 2021

Sous l’impulsion de Madame le Bâtonnier de Paris, Marie-Aimée Peyron, la Commission Éthique et Responsabilité Sociale de l’avocat (RSA) a organisé une soirée inédite le 10 janvier dernier, de 19 h à 21h30, à la Maison du barreau, autour de la projection du film « Sois juge et tais-toi ? » de la réalisatrice Danièle Alet.

La projection a été suivie d’un débat passionnant animé par Matthieu Boissavy, Membre du Conseil de l’ordre, avec :

- Monsieur Jean-Michel Hayat, Président du Tribunal de grande instance de Paris
- Madame Anne Caron-Déglise, Présidente de chambre de la Cour d’appel de Versailles
- Madame Marie-Aimée Peyron, Bâtonnier du Barreau de Paris
- Madame Valentine July, Directrice des Services du Greffe du Tribunal de grande instance de Paris, secrétaire du CHSCT

et la participation de Madame Danièle Alet, réalisatrice, ainsi que la famille du juge Van Tran.

Ce débat a été l’occasion de façon inédite de réunir pour la première fois, juges, avocats et greffiers pour évoquer sans langue de bois les drames humains liés aux dysfonctionnements de la Justice et les actions communes à apporter dans le cadre d’un respect mutuel constructif.

Plus de 400 inscrits, une salle comble et de très nombreux messages sur les réseaux sociaux ont mis indéniablement en lumière l’intérêt que portent nos confrères à la souffrance muette des magistrats et à l’ambition partagée d’une justice plus humaine et plus digne.   

Sortir du mutisme

En 2010, le juge d’instruction Philippe Tran Van se suicide, laissant à dessein des documents visant à dénoncer les pressions que sa hiérarchie lui faisait subir et qui l’ont mené à ce geste fatal. Avant lui, cinq autres magistrats s’étaient suicidés, et après lui, trois autres mettaient fin à leurs jours, dans le seul ressort de la Cour d’appel de Versailles. En juin 2016, le juge Georges Domergue, ancien président de la Cour d’assises du Loiret, entame une seconde grève de la faim en moins d’un an pour faire reconnaître publiquement la pression à laquelle il est soumis par sa hiérarchie.  

« Sois juge … et tais-toi ? » propose, au fil de ces deux histoires, de s’interroger sur ce que l’on peut désormais appeler une crise de la justice française. Il évoque les « jugements à la chaîne et formatés » et la « souffrance éthique et muette » des magistrats, s’appuyant sur les témoignages de juges expérimentés tels que Madame Anne Caron-Déglise et Emmanuel Poinas, et de l’expert psychanalyste et clinicien du travail, Christophe Dejours, cherchant à comprendre les failles du système et la bataille menée pour protéger et améliorer notre système judiciaire.

La réalisatrice ainsi que la famille du juge Van Tran ont exprimé avec la plus grande dignité le combat mené depuis de nombreuses années pour sortir du silence la souffrance muette et souvent honteuse des magistrats et voir reconnaître judiciairement la responsabilité de l’Etat (été 2017).

L’union entre les magistrats, les avocats et les greffiers

La solidarité et l’humanité des intervenants au débat méritent aussi d’être particulièrement soulignées.

Sans langue de bois, juges, avocats et greffiers se sont exprimés et ont fait part de leurs témoignages et de leurs actions pour remédier aux risques psycho-sociaux (alertes, actions de prévention et de formation).

Ce débat a aussi inévitablement questionné tous les participants sur quelle Justice voulons-nous ? Humaine, digne, qualitative, sereine ?

L’œuvre de justice est le sacerdoce de nombre des acteurs qui exercent leur métier avec une passion inversement proportionnelle aux moyens matériels dont ils jouissent au quotidien, dans un système où malgré les promesses, le service public de la justice demeure depuis des décennies un chaînon sinistré de notre administration.

Volonté politique ou nécessité budgétaire, la Chancellerie ne semble pas véritablement s’interroger sur sa responsabilité ou les solutions à envisager pour éviter que se pérennise un système asphyxié qui a atteint ses limites depuis longtemps.

Pour reprendre la fable d’Esope, « autant l'union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite ». Magistrats, avocats, greffiers doivent travailler ensemble et unis pour mener les actions communes aux fins d’améliorer leurs conditions de travail, nécessaires à rendre ou participer à une justice de qualité.

Tels sont les souhaits exprimés par Madame le Bâtonnier, Marie-Aimée Peyron et Monsieur le Vice Bâtonnier, Basile Ader qui engagent dès le début de leur mandat deux chantiers majeurs : 

- un dialogue renforcé et solidaire avec les magistrats et les greffiers, dont l’entente et la cohésion ont été plus que démontrée lors du débat ;

- une action pour lutter contre la souffrance au travail et notamment le stress, le harcèlement, la discrimination et les risques psychosociaux, ainsi que tous les mauvais traitements indignes de notre profession, qui ont aussi entraîné le suicide de nos confrères et consœurs.

Matthieu Boissavy – MCO, Secrétaire de la Commission des Relations avec les Juridictions

Caroline Luche-Rocchia – AMCO, ancien Secrétaire de la Commission Ethique et RSA