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Visio-audiences à la CNDA : front commun des avocats contre ce procédé déshumanisant

Mis à jour le 27 avril 2021

Mardi 19 mars 2019, une conférence de presse a été organisée au barreau de Paris, en présence du bâtonnier Marie-Aimée Peyron et du vice-bâtonnier Basile Ader, mais aussi de Serge Deygas, bâtonnier élu de Lyon, pour dénoncer le recours à la visio-audience en matière de droit d’asile. Elle a donné lieu à de nombreux articles de presse.

Après le barreau de Lyon, celui de Paris s’est mobilisé en appelant les avocats parisiens qui plaident à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) à suspendre leur activité les jours où des vidéo-audiences sont prévues. L’audience du 19 mars à la CNDA a ainsi été renvoyée.

La loi Asile et immigration, promulguée le 10 septembre 2018, offre une alternative à l’audience classique, à savoir la possibilité pour CNDA de recourir à la vidéo-audience au lieu de tenir une audience où tous les protagonistes – juge, avocat, requérant, interprète – sont présents dans la même pièce.

Le barreau de Paris a plusieurs fois exprimé son opposition à une mesure qui éloigne le justiciable de son juge. Malgré la validation du Conseil constitutionnel, les raisons notamment invoquées ne sont pas recevables dans un État de droit.

Le bâtonnier de Paris, Marie-Aimée Peyron, a ainsi déclaré: « Nous ne cèderons pas. Il n’y a pas lieu d’accepter ce type de généralisation. L’humanité et le temps du procès sont indispensables ».

Pour Basile Ader, vice-bâtonnier de l’Ordre des avocats, il s’agit « d’un débat sur la défense des libertés, qui est au cœur de notre métier, c’est l’essence même du rôle de l’avocat qui est touché ici. Jésus et Jeanne d’Arc, s’ils n’avaient pas vraiment de défense, ont quand même comparu devant leur juge ! ».

Pour lui, l’expérimentation de la « vidéo-audience » à la CNDA est le signe d’une « déshumanisation de la justice, qui en a pourtant bien besoin », notant que « depuis 1981, le droit d’asile est malmené ».

« Il est totalement insupportable de ne pas avoir accès à son juge si ce n’est qu’à travers une caméra. Raconter ainsi les tortures, les agressions, les viols, ce n’est pas possible, dans un domaine où l’intime conviction du juge va décider de la vie d’une personne et de sa famille », estime Serge Deygas, bâtonnier élu du barreau de Lyon, qui prendra ses fonctions en 2020.

Rusen Aytac, avocate et membre du conseil de l’Ordre a considéré que « le recours à la vidéo participe d’une même logique ; celle qui avait abouti à l’installation de box vitrés au sein du nouveau Tribunal de Paris ».

Marianne Lagrue, également membre du conseil de l’Ordre et spécialiste du droit d’asile a insisté sur le fait que « l’opposition des avocats n’est pas seulement technique mais aussi fondée sur des considérations humaines. Le corps dit parfois plus que ce que porte la voix. Il faut voir le corps, voir la sueur sur un visage… Ceux qui sont jugés ont aussi besoin de savoir si ceux qui jugent vont les écouter. Et pour nous avocats, il est important de voir dans le regard de celui qui juge, si on agace, si on est trop long », estime Gérard Tcholakian du Syndicat des avocats de France (SAF).

Au final les avocats présents ont tous souhaité alerter les médias sur les dérives engendrées par une justice par vidéo-transmission en redoutant qu’elle se généralise à d’autres types d’audience. « C’est un grand tournant de la procédure pénale, craint Gérard Tcholakian. On va en arriver à ne plus faire sortir les gens de prison et les juger par vidéo, le droit des étrangers devenant un laboratoire ».