Mise en œuvre de la réforme de l’action de groupe
La publication de mesures d’application était nécessaire pour permettre la mise en œuvre de la réforme de l’action de groupe adoptée par la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (dite « DDADUE ») du 30 avril 2025. C’est chose faite avec la publication pendant l’été de deux décrets d’application, auxquels s’ajoute une circulaire.
Cette loi a renouvelé la procédure de l’action de groupe, introduite en 2014 pour les litiges liés à la consommation, puis étendue aux litiges liés à la santé, l’environnement, les données personnelles, les discriminations au travail, en instaurant un cadre commun à toutes les actions de groupe, excepté pour la santé publique, ainsi qu’un élargissement de la qualité pour agir et du champ des préjudices indemnisables. La réforme a étendu le champ d’application de l’action de groupe, désormais très large, ainsi que son objet. Elle peut désormais avoir pour finalité de faire cesser le manquement constaté ou la réparation des préjudices, quelle qu'en soit la nature, subis du fait de ce manquement, ou bien les deux finalités. Il n’y a plus de restrictions quant à la nature des préjudices réparables. La liste des personnes ayant qualité pour agir a également été étendue et une sanction civile a été créée, demandée par le ministère public devant le juge judiciaire ou le gouvernement devant le juge administratif.
Tribunaux spécialement désignés pour connaitre des actions de groupe
Le premier décret du 16 juillet modifie le Code de l’organisation judiciaire afin de désigner les huit tribunaux judiciaires compétents en matière d'action de groupe : les tribunaux judiciaires de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France. Le tribunal judiciaire de Paris sera compétent pour connaître des actions de groupe dans le ressort des cours d'appel de Bourges, Orléans, Paris, Saint-Denis, Versailles, du tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon et du tribunal de première instance de Mata-Utu. Un tribunal qui serait saisi d’une action de groupe alors même qu’il n’est pas spécialement désigné à cette fin, pourra relever d’office son incompétence matérielle. Un tribunal spécialement désigné saisi d’une action de groupe en violation des règles de compétence territoriale ordinaires ne pourra soulever d’office son incompétence qu’en cas de défaut de comparution du défendeur, par application de l’article 77 du Code de procédure civile.
Procédure applicable aux actions de groupe et au registre des actions de groupe
Le second décret du 30 juillet introduit dans le Code de procédure civile la procédure de rejet rapide des actions manifestement infondées et la fin de non-recevoir tirée de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle le demandeur à l'action de groupe se trouve. Il précise également les conditions de mise en œuvre du registre public des actions de groupe en cours devant l'ensemble des juridictions.
S’il estime qu’un conflit d’intérêt est établi, le juge devra déclarer l’action de groupe irrecevable. Cette irrecevabilité obéit au régime classique des fins de non-recevoir. La fin de non-recevoir tirée de la situation de conflit d’intérêt pourra être relevée d’office par le juge (ll s’agit d’une simple faculté) ou par l’une des parties (en pratique le défendeur). En cas de contestation, le juge pourra enjoindre au demandeur de produire des pièces pour justifier de l’absence de conflit d’intérêts. Le juge refusera l’homologation de tout accord conclu entre les parties lorsqu’il constatera que le demandeur se trouve dans une situation de conflit d’intérêt susceptible de porter atteinte à l'intérêt des personnes représentées.
Le registre public des actions de groupe en cours devant l’ensemble des juridictions, qui sera mis à disposition du public sur le site internet du Ministère de la Justice et contiendra un certain nombre d’informations, est subordonné à la réalisation de travaux nécessaires à sa mise en œuvre. Un arrêté précisera les conditions d’alimentation de ce registre par les greffes des juridictions, ainsi que ses modalités de gestion au sein du Ministère de la Justice.
Entrée en vigueur
Le nouveau régime de l’action de groupe est applicable aux actions intentées après l’entrée en vigueur de la loi du 30 avril. Les actions de groupes intentées avant l’entrée en vigueur de la loi demeurent régies par les dispositions anciennes. Par exception, la sanction civile pour faute dolosive ne s’appliquera qu’aux actions dont le fait générateur de responsabilité est postérieur à la publication de la loi.
La publication d’un autre décret d’application est prévue. Il désignera l’autorité compétente pour procéder à la délivrance des agréments permettant d’exercer une action de groupe, précisera les modalités de délivrance d’un tel agrément ainsi que les conditions de mise à disposition du public de la liste des associations habilitées à exercer une action de groupe. Il précisera par ailleurs les modalités de publication du financement des actions de groupe par des tiers.
Sources :
Décret n° 2025-653 du 16 juillet 2025 désignant les tribunaux judiciaires compétents en matière d'action de groupe - Journal Officiel du 18 juillet 2025
Décret n° 2025-734 du 30 juillet 2025 relatif à la procédure applicable aux actions de groupe et au registre des actions de groupe - Journal Officiel du 1er août 2025
Circulaire n° CIV/09/2025 du 1er août 2025 de présentation de l’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 et de ses décrets d’application - BO Justice du 5 août 2025
Article 16 de la Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Journal Officiel du 2 mai 2025