La Conférence des barreaux des plus grandes villes du monde : la profession unie pour relever les défis de demain

Mis à jour le 17 juillet 2025

Du 11 au 13 juin 2025, le barreau de Paris a accueilli l’édition 2025 de la Conférence des barreaux des plus grandes villes du monde (WCBL), un rendez-vous biennal qui réunit les dirigeants des barreaux des plus grandes métropoles mondiales. Après Montréal, Varsovie, Chicago et Tokyo, Paris a offert un cadre privilégié d’échanges et de coopération internationale.

Des représentants de la profession venus du monde entier

La diversité des barreaux représentés — issus de quatre continents :

  • Afrique (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, RDC),

  • Amérique (Canada, États-Unis, Mexique),

  • Asie (Inde, Japon, Liban),

  • Europe (Allemagne, Belgique, France, Hongrie, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Slovénie, Suisse) —
    témoigne d’une volonté commune : défendre la profession d’avocat face aux mutations technologiques, aux tensions politiques et aux pressions sociales.

Le barreau de Paris a également pu compter sur la présence exceptionnelle de Margaret Satterthwaite, rapporteuse spéciale des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, dont les interventions ont nourri des échanges de très haut niveau, tant s’agissant de l’intelligence artificielle que des problématiques d’État de droit.

Ces regards croisés et échanges d’expertises sont très enrichissants pour s’inspirer de ce que font les autres, c’est bien sûr tout le sens de la politique internationale de l’Ordre des avocats de Paris.


Quatre sessions de travail ont été organisées dans un format dynamique et chaleureux pour que chacun puisse décrire les enjeux dans son barreau d’origine :


1. INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : ENTRE OPPORTUNITÉS ET FRACTURES

Le premier thème abordé lors de cet événement a été l’intelligence artificielle (IA) et son impact sur la profession d’avocat.

À travers le monde, les cabinets adoptent l’IA avec des degrés de maturité variables : certains développent leurs propres programmes internes, d’autres s’appuient sur des prestataires externes. Aux États-Unis, la prudence reste de mise, notamment en raison des enjeux de confidentialité et des risques d’erreurs.

Les barreaux travaillent à encadrer l’usage de l’IA, posant des questions clés comme le rôle exact de l’avocat face à des outils capables de rédiger des documents juridiques sous sa supervision. La technologie avance souvent plus vite que la réglementation, créant un défi pour les politiques publiques.

L’intégration de l’IA dans les systèmes judiciaires évolue différemment selon les pays : tandis que des juridictions américaines comme San Francisco commencent à formaliser des règles, des pays comme la Chine progressent plus rapidement dans l’utilisation de l’IA pour le règlement des litiges.

Le barreau de Paris, représenté par son bâtonnier Pierre Hoffman et Stéphanie Encinas, membre du Conseil de l’Ordre, a rappelé ses initiatives pour réduire les inégalités d’accès à l’IA au sein de la profession. En octobre 2024, il a notamment offert gratuitement à plus de 14 000 avocats des outils de recherche juridique et de gestion alimentés par l’IA, favorisant ainsi un meilleur accès au droit.

Tous les intervenants ont souligné que la maîtrise de l’IA deviendra sans doute un élément incontournable de la profession, soulevant la question d’éventuelles obligations de formation continue à ce sujet.

Enfin, Margaret Satterthwaite prépare un rapport sur l’IA et les systèmes judiciaires, auquel le barreau de Paris a contribué. Ce rapport, attendu pour la 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies en octobre 2025, traitera de l’impact de l’IA sur la prise de décision judiciaire, l’indépendance de la justice, ainsi que son rôle dans l’accès à la justice, notamment via son usage par les avocats et procureurs.


2. LUTTE CONTRE L’EXERCICE ILLÉGAL DU DROIT : QUELS OUTILS ET STRATÉGIES POUR PROTÉGER LA PROFESSION ?

Face à la montée mondiale de l’exercice illégal du droit — faux avocats, plateformes non autorisées, conseils juridiques sans titre — une session de travail, modérée par Amaury Sonet, membre du Conseil de l’Ordre, a réuni des représentants d’Inde, de République démocratique du Congo, du Japon, du Québec et de France.

Tous font le même constat : ces pratiques menacent l’intégrité de la profession et la confiance du public.

Trois types de réponses émergent :

  • Contrôle renforcé à l’entrée de la profession,

  • Actions disciplinaires sur le terrain,

  • Campagnes de sensibilisation ciblées.

Le barreau de Paris mise désormais sur les actions civiles pour faire fermer les sites illégaux et contraindre les opérateurs à modifier leurs services. Un appel à la coopération internationale est lancé pour bâtir une doctrine commune de protection de la profession d’avocat.


3. PRÉVENIR LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX DANS LA PROFESSION D’AVOCAT, TRANSFORMER LES CULTURES

Modérée par Lise Le Borgne, membre du Conseil de l’Ordre, cette session a réuni des représentants des barreaux de Budapest, Côte d’Ivoire, Johannesburg et Amsterdam, qui ont partagé leurs expériences et initiatives pour prévenir ces risques.

Le témoignage de Florence Loan, première femme bâtonnière de Côte d’Ivoire, a inspiré l’auditoire. La santé mentale des jeunes avocats, notamment aux Pays-Bas où le taux d’abandon est préoccupant, a également été abordée.

Le barreau de Paris a été salué pour ses actions en faveur des femmes, comme le salon d’allaitement et la lutte contre le harcèlement. L’étude de mars dernier sur la santé mentale des avocats parisiens a servi de base à la discussion. Les dispositifs COMHADIS et Refuge-Avocats ont notamment été présentés comme des outils essentiels d’accompagnement et de protection.

Les intervenants ont insisté sur la nécessité d’articuler actions individuelles et politiques structurelles.

L’objectif partagé est clair : instaurer un environnement professionnel plus sain, inclusif et résilient, posant ainsi les bases d’un changement culturel essentiel à l’échelle internationale.


4. DÉFENSE DE L’ÉTAT DE DROIT : UN COMBAT MONDIAL ET URGENT

Lors d’une session conclusive passionnante consacrée aux menaces pesant sur l’État de droit dans le monde, modérée par Christian Dargham, membre du Conseil de l’Ordre et secrétaire de la commission internationale du barreau de Paris, les intervenants venus d’Inde, de Pologne, du Mexique, d’Allemagne, de France, des États-Unis et du Liban ont mis en lumière la montée des attaques contre les avocats et la justice, que ce soit dans des régimes autoritaires ou des démocraties établies.

Margaret Satterthwaite a décrit un continuum d’atteintes allant de la capture légale des institutions à la répression ciblée des professionnels du droit.

Des exemples concrets ont été présentés :

  • Au Mexique, un contrôle total de la justice par le parti au pouvoir ;

  • Aux États-Unis, la fragilité des contre-pouvoirs ;

  • En Inde, une résilience renforcée grâce aux outils numériques ;

  • En Pologne, un démantèlement systématique de l’État de droit pendant une décennie suivi d’un processus lent de restauration ;

  • En Allemagne, des mesures constitutionnelles préventives ;

  • Au Liban, un pays en faillite.

Face à ces défis, des stratégies de résistance émergent, mêlant coopération internationale, formation et mobilisation des jeunes avocats.

La session s’est conclue dans une forte émotion collective et un engagement partagé :

L’État de droit est fragile, y compris dans les démocraties dites avancées, mais il peut et doit être défendu par des solidarités internationales entre avocats, magistrats, journalistes et citoyens.

Les réformes technologiques, la mobilisation locale et la coopération institutionnelle sont les leviers clés de résilience.

« Nous devons écrire notre propre manuel de résistance, car les régimes autoritaires ont déjà le leur », a insisté un intervenant.


Ces deux jours de rencontres de haut niveau ont montré à quel point la profession d’avocat est unie à travers le monde. La richesse des perspectives issues de plusieurs continents a nourri un dialogue d’exception. Ce sont un même engagement et un même sens de la justice qui nous rassemblent.