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Contradictoire au cours de l'enquête préliminaire, accès des avocats au dossier de la procédure : un décret entré en vigueur le 15 avril en définit les contours

Mis à jour le 15 avril 2022

Le décret du 13 avril 2022 complète et explicite les modalités d'application de diverses dispositions du code de procédure pénale créées ou modifiées par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire.

Le texte aborde notamment deux questions essentielles pour la profession : l’accès des avocats au dossier de la procédure et les conditions d'application du nouvel article 77-2 du CPP relatif à l'ouverture au contradictoire de l'enquête préliminaire.

 

De l'accès des avocats au dossier de la procédure

Le décret énonce en son article 10 que le chapitre III du livre XII devient un chapitre IV, et il est inséré après l'article D. 593-1 les dispositions suivantes :

« Chapitre III

De l'accès des avocats au dossier de la procédure

Art. D. 593-2.-Dans tous les cas où, en application des dispositions du présent code, un avocat peut demander la délivrance d'une copie du dossier de la procédure pénale, ainsi que dans les cas où, en application des articles 77-2,80-2 114,388-4,393,394,495-8,627-6,696-10,706-105 et 803-3, il peut consulter ce dossier, l'avocat, son associé ou son collaborateur ou un avocat disposant d'un mandat écrit à cette fin peut, à l'occasion de cette consultation, réaliser lui-même une reproduction de tout ou partie des éléments du dossier par tout moyen, et notamment par l'utilisation d'un scanner portatif ou la prise de photographies.

Il en est de même lorsque l'avocat consulte le dossier dans le cadre des procédures prévues par les articles 41-1 à 41-3-1 A.

Cette reproduction est réalisée pour l'usage exclusif de l'avocat, qui ne peut la remettre à son client, si elle concerne un dossier d'instruction.
« Cette reproduction ne fait pas obstacle au droit de l'avocat d'obtenir, dans les cas et dans les délais prévus par le présent code, une copie du dossier auprès de la juridiction.
« Si le dossier est numérisé, l'avocat ne peut refuser d'en recevoir une copie sous forme numérisée, le cas échéant selon les modalités prévues par l'article 803-1, sauf, dans le cas prévu par les articles 114 et R. 165, décision contraire du juge d'instruction ; en cas de numérisation partielle du dossier, la copie de la partie du dossier non numérisée est remise sur support papier. »

Du contradictoire au cours de l'enquête préliminaire 

Ce texte détaille les conditions d'application du nouvel article 77-2 du CPP relatif à l'ouverture au contradictoire de l'enquête préliminaire.

Ainsi, est inséré après l'article D. 15-6-2, une Section III « Du contradictoire au cours de l'enquête préliminaire ».

Les demandes de prise de connaissance du dossier formées, en application du II de l'article 77-2, par une personne suspectée peuvent être adressées au procureur de la République par l'intermédiaire de son avocat.

Dans ce cas, la demande peut être adressée par un moyen de télécommunication sécurisé conformément aux dispositions de l'article D. 591.

« Si la demande est formée en application du 3° du II de l'article 77-2, elle comporte tous les documents justifiants qu'il a été porté atteinte à la présomption d'innocence de la personne par un moyen de communication au public et notamment, s'il y a lieu, une copie des enregistrements sonores ou audiovisuels.

Le procureur de la République peut solliciter du demandeur des documents complémentaires établissant la réalité de cette atteinte.

« Cette demande est versée au dossier de la procédure par le procureur de la République, au plus tard lorsque l'enquête est achevée et que les procès-verbaux ont été adressés à ce magistrat en application de l'article 19.

Dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande, ou, dans le cas prévu par le 2e alinéa du I du présent article, de la réception des documents complémentaires sollicités, le procureur de la République fait connaître à la personne, par une décision écrite qui est versée au dossier conformément au dernier alinéa du I du présent article et qui lui est notifiée par tout moyen :
« 1° Soit qu'il accepte de communiquer le dossier, afin de permettre le dépôt ultérieur d'observations pouvant consister en des demandes d'actes ;
« 2° Soit que les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° du II de l'article 77-2 ne sont pas réunies, et qu'il refuse cette communication ;
« 3° Soit que les conditions prévues au 1°, 2° ou 3° du II de l'article 77-2 ne sont pas réunies, mais qu'il accepte cette communication en application du I de cet article ;
« 4° Soit qu'il estime que la communication demandée risque de porter atteinte à l'efficacité des investigations, et qu'il diffère en conséquence celle-ci pour une durée qu'il précise et qui ne peut être supérieure à six mois à compter de la réception de la demande ou, si l'enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 ou 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste, qui ne peut être supérieure à un an à compter de cette date.

« Dans les cas prévus aux 1° et 3°, le procureur de la République peut indiquer à la personne que ne seront pas mises à sa disposition certaines pièces de la procédure en raison des risques de pression sur les victimes, les autres personnes mises en cause, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.

« Dans les cas prévus aux 2° à 4° et à l'alinéa précédent, la décision du procureur est motivée, sans que cette motivation ne fasse apparaître des éléments de nature à porter atteinte à l'efficacité des investigations.

En particulier, dans le cas mentionné à l'alinéa précédent, la liste et la nature des pièces non communiquées ne sont pas portées à la connaissance de la personne. La décision du procureur mentionne qu'elle peut faire l'objet d'un recours devant le procureur général. La décision de ce dernier, rendue dans le mois de sa saisine, est versée au dossier conformément au dernier alinéa du I du présent article.

La mise à disposition du dossier se fait par tout moyen.

Elle peut consister en la consultation des pièces de celui-ci dans les locaux du tribunal judiciaire ou en la remise d'une copie de la procédure.

« La personne dispose d'un délai d'un mois à compter de la mise à disposition du dossier pour formuler ses observations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé.

Les observations formulées par l'avocat peuvent être adressées par un moyen de télécommunication sécurisé conformément aux dispositions de l'article D. 591.

Pendant ce délai d'un mois le procureur de la République ne peut, conformément au septième alinéa du II de l'article 77-2, prendre aucune décision de poursuites hors l'ouverture d'une information, l'application de l'article 393 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue aux articles 495-7 à 495-13.

Les observations formulées en application de l'article 77-2 ainsi que l'information adressée en retour par le procureur de la République sur les suites qui y ont été réservées sont versées au dossier conformément au dernier alinéa du I du présent article. Lorsque ces observations consistent en une demande d'acte, le procureur de la République informe la personne des suites qu'il entend y apporter dans un délai d'un mois à compter de la réception des observations. S'il refuse de procéder à un acte demandé, il rend une décision motivée indiquant qu'elle peut être contestée devant le procureur général, et qui est versée au dossier dans les mêmes conditions.

À défaut de réponse du procureur dans le délai d'un mois, qui vaut refus de procéder aux actes demandés, la personne peut également contester ce refus devant le procureur général.

Le procureur général statue dans le délai d'un mois à compter de sa saisine, par une décision motivée versée au dossier conformément au dernier alinéa du I du présent article.
« Les saisines du procureur général prévues par l'article 77-2 se font par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé ou, lorsqu'elles émanent d'un avocat, par un moyen de télécommunication sécurisé conformément aux dispositions de l'article D. 591. Lorsque la personne saisit le procureur général en raison du défaut de réponse du procureur de la République dans le délai d'un mois, elle en informe dans le même temps, par les mêmes moyens, le procureur de la République. Cette saisine est caduque si le procureur de la République fait ensuite droit à la demande de communication du dossier ou à la demande d'actes.

« Lorsque l'enquête concerne plusieurs personnes suspectées et que le procureur de la République accède à la demande d'accès à la procédure présentée par l'une d'entre elles, il n'est pas tenu d'accorder les mêmes droits aux autres personnes suspectées, sans préjudice de sa possibilité de le faire s'il l'estime possible et opportun, en application du I de l'article 77-2. »

Conformément aux dispositions du I de l'article 59 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 susvisée, les dispositions du code de procédure pénale résultant du présent article sont applicables aux enquêtes commencées à compter du 24 décembre 2021.

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Le  décret mentionne également comment des informations criminelles concernant des crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion pourront être ouvertes ou poursuivies auprès des juges d'instruction des tribunaux judiciaires au sein desquels il n'y a pas de pôle d'instruction en application des nouvelles dispositions de l'article 52-1 du code de procédure pénale, y compris à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile ou lorsque le juge d'instruction constate que les faits dont il était saisi sous une qualification délictuelle constituent un crime.

Il définit les modalités d'application de l'article 276-1 de ce code prévoyant que le président de la Cour d'assises doit organiser avec le ministère public et les avocats des parties une réunion destinée à préparer l'audience criminelle.

Il détaille la manière selon laquelle il peut être recouru à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à l'égard d'une personne citée ou renvoyée devant le tribunal correctionnel.

Il tire les conséquences de la suppression du retrait de plein droit des crédits de réduction de peines des condamnés qui refusent les prélèvements aux fins d'empreinte génétique en prévoyant que ce refus peut donner lieu à une décision de retrait prise par le juge de l'application des peines, et précise les modalités d'application de la réduction de peine exceptionnelle pouvant être accordée à un détenu qui a adopté un comportement exceptionnel à l'égard de l'institution pénitentiaire.

Il explicite les modalités selon lesquelles les signalements des infractions portant atteinte aux intérêts de l'Union européenne seront directement adressés au procureur européen délégué.

Il indique les modalités d'exercice du recours contre les décisions relatives à l'exécution dans un autre État membre de l'Union européenne d'une peine prononcée en France.
Il précise par ailleurs les modalités selon lesquelles les avocats ont accès aux dossiers des procédures pénales.