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Motion du Barreau de Paris sur la proposition de loi « sécurité globale »

Mis à jour le 27 avril 2021

Alors que la question principale demeure la nécessaire restauration de la confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens et que la France ne figure pas en bonne place au sein de l'Union européenne sur cette question depuis plusieurs années, l’examen de la proposition de loi intitulée « sécurité globale » débute à l’Assemblée nationale ce mardi 17 novembre en séance.

Les avocats, qui travaillent en bonne intelligence au quotidien avec les forces de l’ordre, n’ignorent pas le rôle fondamental, l’engagement et le sens du devoir des policiers et des gendarmes, d’autant plus que les moyens sont contraints et que le manque d’effectifs est notable.

Pour autant, le Barreau de Paris s’inquiète de la multiplication et de l’extension des pouvoirs des acteurs de la sécurité. En effet, les articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi prévoient d’étendre aux polices municipales des compétences relevant exclusivement de la police judiciaire.

  • Il s’agit d’un renforcement disproportionné des pouvoirs des polices municipales, puisque leur seront transférées des compétences pour lesquelles elles ne sont pas formées.
  • Par ailleurs, il convient de prévoir que les actes de la police municipale soient soumis au contrôle de l’institution judiciaire, ce qui n’est pas le cas dans la version actuelle du texte.

Plus inquiétant encore, l’article 8 permet de privatiser les forces de police, en violation totale des normes constitutionnelles, par la délégation à des agents privés de sécurité de pouvoirs réservés à la police judiciaireLe rôle des forces régaliennes ne doit pas être amoindri avec les missions notamment des acteurs de la sécurité privée.

Le Barreau de Paris rappelle que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général, respecter le droit à la vie privée et connaître un usage proportionné.

Or, l’article 20 prévoit d’étendre le déport de la vidéo-protection aux agents de police municipale et aux agents de la Ville de Paris, et la commission des Lois de l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant aux agents des services internes de la SNCF et de la RATP, individuellement désignés et dûment habilités, de visionner ces images, sous le contrôle des services de police et de gendarmerie.

L’article 21 permet aux agents de diffuser les images des interventions et d’avoir « accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention », ce qui fait craindre des orientations ou des modifications de leurs témoignages, de même que des atteintes au secret de l’enquête.

Le barreau de Paris rappelle que l’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse interdit le fait de diffuser des images de personnes menottées ou entravées, reconnaissables et sans leur accord.

L’usage de drones dans le cadre de manifestations permettant d’identifier des citoyens de manière indifférenciée et de collecter leurs données est également préoccupant d’autant plus que le nombre de finalités prévues par la proposition de loi aux fins d’utilisation des drones aboutirait à autoriser leur usage dans une multitude de situations (article 22)

Pour ce qui concerne l’article 23 du texte excluant certains justiciables du bénéfice des crédits de réduction de peine, mentionnés à l’article 721 du code de procédure pénale, il est en contradiction avec les principes d’égalité devant la loi, de proportionnalité et d’individualisation des peines.

L’article 24, très décrié, est porteur de risques réels d’atteintes à la liberté d’informer et le barreau de Paris partage les craintes des sociétés de journalistes de plusieurs médias, qui déplorent un texte qui « ne peut qu’attenter à la liberté d’informer » et s’associe à l’avis de la Défenseure des droits qui rappelle que « l’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique »

Le Barreau de Paris n’ignore pas que le numéro d’identification RIO ne fait pas partie des éléments d’identification interdits de diffusion mais de nombreux agents ne respectent malheureusement pas le port visible du RIO, pourtant obligatoire, sur les uniformes.

Délibération

Le Barreau de Paris rappelle que la légitimité, l’autorité et le respect des forces de l’ordre ne peut découler que du sentiment de confiance qu’éprouve le citoyen lorsqu’au contact de celles-ci, il sait qu’il sera traité de manière égale devant la loi et conformément à la déontologie et aux droits et libertés publiques qui doivent gouverner l’action de ces unités.

Le Barreau de Paris souligne que questionner l’utilité d’une intervention peut notamment renforcer l’efficacité des actions des forces de l’ordre, la captation vidéo permettant ainsi grâce à une critique constructive appuyée sur les images de revoir les méthodes utilisées et de maintenir un comportement exemplaire en toutes circonstances des forces de l’ordre.

En conséquence, le Barreau de Paris exhorte la représentation nationale à renforcer l’exercice des libertés d’informer et d’expression, de même que de ne pas céder à la précipitation et à la pression des circonstances pour privilégier le droit à la vie privée des membres des forces de l’ordre sur les menaces sérieuses qui pèsent à travers certains articles de la proposition de loi « sécurité globale » sur l’information générale et les libertés individuelles.